Arrêtes. Pourquoi es-tu si violent avec moi, pourquoi me prives-tu de ma respiration ? Je ne sens plus mes membres, je tombe dans un vide infini et la lumière de son sourire s'efface de plus en plus. Ma main se tend vers lui, comme si j'attends qu'il l'attrape. Rend moi mon souffle, laisse-moi contempler une dernière fois, une ultime fois, ce visage que je chéris depuis tant d'années. Ne me blesse pas, rend moi ma force. Les coups de mon coeur me transperçaient la poitrine. Si fort que la douleur faisait partie de moi. Je ne trouvais plus la force de retenir mes propres larmes. Timidement, l'unique symbole de ma tristesse glissa sur ma peau pendant que je priais pour qu'il ne puisse pas voir cette faiblesse. Qu'est-ce-que je venais de faire. Comment aurais-je pu le regarder après ça ? J'observais mes mains, elles tremblaient, tout comme le reste de mes membres. Je n'avais pas eu le temps de réfléchir, tout était survenu comme si je n'étais plus maitre de mon corps. Néanmoins, j'avais ce sentiment étrange de ne pas avoir voulu l'empêcher. J'avais apprécié poser mes mains sur lui, j'avais gouté à ses lèvres humides avec une douce satisfaction. Pendant que je me torturais l'esprit, mon ami attrapa le bas de mon t-shirt et m'attirait vers lui. La main qu'il posa sur moi me fit frissonner. Le regard fixé sur le pavé, je me mordais les lèvres de honte. Aucun mot ne sortait de ma bouche durant le voyage en métro, bien que j'avais envie de hurler. De temps à autre, mes yeux se levaient pour tenter de croiser celui de Logan. Le silence pesant de la navette me torturait. Un voile se posait une nouvelle fois sur mes yeux à l'idée que ce put être la dernière nuit que je passais avec mon ami. Nous nous connaissions depuis si longtemps, je croyais connaitre la limite de mes sentiments pour lui. Nous partagions un amour fraternel des plus forts, rien de plus. J'avais agi comme un animal, lui arrachant tout ce que je pouvais en un laps de temps incroyable. J’étais incapable de comprendre mon geste.

Un horrible grincement se fit entendre, le métro se stoppait pour la sixième fois lorsque Logan se retira. J'hésitais à me lever mais l'alarme me fit sursauter. J'avais fini par le suivre, la tête toujours fixée sur le sol. Le chemin me semblait long, encore une fois je ne fus pas capable d'aligner un son. J'avais peur qu'un simple mot mal placé puisse me faire perdre mon meilleur ami. Depuis quand mon regard était-il devenu différent ? Je le connaissais aussi bien qu'il me connaissait et jamais je n'aurais imaginé porter un regard désireux sur son corps. Et pourtant c'était bel et bien en train de se produire, je ne pouvais lutter contre cette envie grandissante de le serrer tout contre moi. Nous avions passé tant d'année ensemble, comme des frères. Il m'avait tant apporté durant tout ce temps que je ne percevais plus de barrière entre l'amitié et l'amour. Je l'aimais comme un frère, du moins, c'est ce que je croyais. Comprendre les sentiments avaient toujours été un véritable challenge pour moi qui jouais sans cesse la comédie, c'était mon boulot après tout. Aussi loin que je me souvienne, toutes les demoiselles pleurnicheuses en manque se sentait ravies de ma présence bien que ça ne fut pas réciproque. Au final, je ne regardais plus les femmes de la même façon à cause de ce boulot de merde. Je ne croyais pas comprendre mon geste avant de me rendre compte, qu'en vérité, je ne VOULAIS pas le comprendre.

Lorsque nous marchions en direction de sa villa, je vis sa main balancée d'avant en arrière, balayant le vide. Je voulais l'attraper, le courage me manquait. Logan saisissait les clés alors que je décidais enfin de relever le visage, mon regard croisa enfin le sien. J'entrouvrais la bouche, vidé de toute expression. Il m'ouvrit la porte, j'entrais d'un pas moins hésitant avant d'accrocher ma veste avec les autres. Mon regard balaya la pièce, il ne semblait y avoir que nous. Une atmosphère étrange régnait dans la pièce, accentuée par notre silence. Malgré ce qui venait de se produire en ville, Logan m'avait entrainé chez lui et s'occupait de moi. : Il m'apporta un verre d'eau. Allait-il faire comme si rien ne s'était produit ? Mes yeux s'écarquillèrent à cette idée et j'engloutissais mon verre d'eau pour taire ma rage. Le verre claqua sur la table. « La salle de bain ? Sasha ? » répétais-je d'une façon mécanique, il se retira. J'avais toujours pensé que sa soeur, bien que charmante, avait un sérieux grain. C'était un peu ironique pour le coup. Si j'avais été chez moi, j'aurais probablement retourné tout le salon. Décidé enfin à suivre le conseil de mon ami, je me relevais du canapé dans lequel je m'étais laissé tomber quelques minutes plus tôt. Un cadre attira mon attention, délicatement je le saisissais. Mes mains se resserraient. L'image de son visage enfantin me rappelait à quel point nous étions liés par le temps. Je ne devais pas le perdre, je ne le pouvais pas, pas pour une telle connerie. J'enchainais les escaliers deux par deux bien que ma force semblait me quitter à chaque nouveau pas. Lorsque je pénétrais dans la chambre de mon ami il enfilait un nouveau pantalon. Je voulais lui parler, lui dire ce que je ressentais, mais ce n'était pas le genre de mots que j'employais. « Pourquoi tu te rhabilles ? » sifflais-je en ricanant, ma seule échappatoire était la plaisanterie. Un ‘je suis désolée’ n’aurait pu sortir de moi aussi promptement. Je traversais la pièce en enlevant mon haut, dévoilant mon torse mutilé afin de rejoindre sa salle de bain. Je fis couler de l’eau pour me rincer le visage entièrement. Bien que Logan avait nettoyé la plaie dans cette fameuse ruelle, il restait de petites éclaboussures séchées. Même mon reflet semblait se jouer de moi. Pourquoi Logan s’occupait d’un monstre comme moi alors qu’il avait tant de personnes qu’il chérissait autour de lui bien meilleure. Moi, je n’avais personne capable de m’aimer pour ce que j’étais réellement, mis à part Lui. Malgré mes défauts, il m’avait accepté dès le premier jour, nos conneries nous les avions faites ensemble sans redouter la moindre réprimande. Ce titre de frère de sang me convenais, il m’avait toujours convenu. Pourquoi attendre plus de lui ? Pourquoi avoir agi de cette façon ?

Lorsque je passais la tête par la porte, Logan était revêtu de la tête au pied. Le voir avec un bonnet, une écharpe et une veste de dix centimètres d’épaisseur ne m’aurait pas étonné, mais il n’en fit rien. Fragile, il ne l’était pas et j’en étais bien conscient. Je l’avais vu plus d’une fois à l’œuvre derrière mes coups incontrôlés. Encore une fois j’avais agi de façon sauvage et Logan avait ramassé les morceaux tout en continuant d’être bon avec moi. J’aurais préféré qu’il me repousse plutôt que de me laisser faire une telle gourde. J’étais tenté de lui demander : « Tu m’en veux oui ou merde ? » mais je connaissais déjà sa réponse. Un silence. Je pris une longue respiration avant de m’asseoir à coté de Logan, sans réellement savoir comment j’allais m’y prendre. « J’ai pris un sacré coup sur la tête vieux, mais ça n’empêche pas que j’étais conscient de ce que j’ai fais. » ‘enfin je crois’ continuais-je tout bas. Je forçais mon regard à se plonger dans le sien. Son cache-œil ne m’avait jamais autant dérangé, bien que j’ignorais ce qu’il cachait. Je louchais un instant dessus avant de continuer. « T’aurais pas du te laisser faire. » Mon visage s’écarta du sien et j’avais repris de l’assurance, mes mouvements étaient parfaitement contrôlés. Etre conscient de mes gestes, ne voulait pas dire les approuver. Ce genre de sentiment n’avait pas sa place au sein de notre relation. Je ne voulais pas perdre la seule personne apte à me calmer, ça valait mieux pour tout Sydney. Après lui avoir donner une bonne frappe dans l’épaule j’attrapais un coussin sur son lit pour le lui envoyer dans la figure. « Laisse moi dormir chez toi cette nuit, beau gosse. » Dis-je avec ironie, un sourire moqueur au coin des lèvres. Mes membres avaient cessés de trembler, je voulais qu’il soit rassuré, je voulais qu’il me retrouve enfin. Je ne voulais pas me justifier, étant donné que je ne comprenais pas moi-même mon geste. La bataille contre les Dust m’avait drôlement secoué, je suppose que cette attaque surprise était la cause de mon égarement. J’espérais que Logan comprendrait, qu’il me pardonnerait. Je souriais, attendant avec impatience qu’il recommence à s’occuper de moi, comme un frère attentif.