What else ? [ Eliott Faith ]

Heaven can wait, George, but not for its caspules.

Manger.
C'était à peu près la seule pensée qui régissait le cerveau du garçon. Il était environ neuf heures et vingt-six minutes, et il n'avait pas mangé depuis hier midi. Pourquoi il n'avait pas mangé depuis hier midi ? Pas pensé ? Pas le temps ? Occupé à faire autre chose, ce qui, somme toute, combine les deux autres ? Possible. Le problème était et demeurait sa faim actuelle. Il avait envie d'un véritable repas, mais les restaurants n'étaient pas ouvert. Il aurait pu cuisiner lui-même aussi mais avant ça il devrait acheter de quoi, ce qui prendrait trop de temps, parce que si Ienzo avait faim, il avait faim maintenant.

Il avait donc avisé un snack, ouvert de bon matin. Il semblait être un repère de vieux. Peut-être était-il le seul mec de son âge à être debout à cette heure un samedi. Il n'était arrivé à Sidney que depuis quelques jours, alors il était encore complètement à l'ouest, de toute façon. Il était une heure du matin en Italie, là. Donc il devrait être fatigué ? Non ?
Il abandonna toutes ses pensées au profit du café que la serveuse venait de lui amener. Il le paya de suite, avant de le boire. Avant d'oublier, surtout. Il lui demanda également si elle avait de la nourriture, et ils se mirent d'accord sur le fait que les cookies, c'est vachement bon. Alors elle lui en apporta, et après avoir parlé de la pluie et du beau temps quelques minutes, elle reparti au peu de client dont elle avait la charge.

Ambroise, lui, regarda sa nourriture un instant comme si elle était bénie, puis l'attaqua. Le café n'était pas assez fort, comme d'habitude, mais il était tellement chaud que ça le réveilla bien. Sur les cookies, par contre, il n'avait rien à dire : il était fan.
il se cambra un instant pour s'étirer et se laissa glisser sur sa chaise, regardant les immeubles de l'autre côté de la rue. Il ne lui restait plus qu'à trouver un truc à faire.

[ NB : Pour les cookies & le café, faut que j'paye en $AU ? ]

08:30 am Samedi matin. J'avais tout une journée pour moi avant d'aller travailler. Le samedi soir pouvait être une grosse soirée, je le savais. Je décidais donc de ne pas perdre mon temps. Il fallait que je petit-déjeune rapidement et planifier ensuite ma soirée. Ce n'est qu'après avoir fait cela que je pourrais organiser ma journée. Me dirigeant dans la cuisine, je me souviens tout d'un coup que je n'avais plus rien. Enfin, c'était un peu exagéré... Je n'avais plus rien de consistant à me mettre sous la dent. Je soupirais. Il fallait donc que je sorte et cela me ralentirait. À moins que... Non, au final, peut-être que mes placards à moitié vides joueraient en ma faveur... Je pris ma douche et m'habillais.

09:00 am J'étais partis. Je n'étais pas en train de partir, non. J'étais partis de chez moi. Clefs, portable et argent en poche, je marchait dans les rues calmes de Sydney. Je n'avais jamais remarqué à quel point les matins des week-end pouvaient être aussi tranquille. Il n'y avais pas un chat dans la rue. Les rares passant qui osaient s'aventurer dehors étaient soit des touristes soit des vieillards. Cela me posa problème d'ailleurs. Pas tant le fait que la majorité de la population qui était présente soit des vieux, mais plutôt qu'aucun Sydneysider ne soit présent. Les bars, les boulangeries et les daily étaient tous fermés. J'avais crié victoire un peu trop vite... Il ne serait peut-être pas si aisé que cela de trouver un endroit où se poser...

09:30 am Après une demie-heure à tourner en rond dans Sydney, je fus sauvé. Un petit snack se présentait devant moi, telle l'apparition du Messie. Le bâtiment était légèrement miteux mais je décidais de ne pas faire la fine bouche. Je regardais la clientèle tout en approchant. Trois petits vieux assis au bar et un jeune homme assis à une table. Ce dernier n'avait pas l'air dans son assiette... Les traits tirés et sa peau cuivre indiquait qu'il n'était pas ici. Je m'assis à une table en diagonale de la sienne. Peut-être qu'entre deux gorgées de thé, je prendrais plaisir à le regarder... La serveuse du snack s'approcha de moi, un carnet à la main afin de prendre ma commande. Je lui répondis qu'un thé et un muffin me conviendraient amplement. Attendant ma commande, je regardais le jeune homme s'étirer et regarder les immeubles alentours, comme s'il cherchait quelque chose.

Ienzo plissa un peu les yeux pour ne pas être aveuglé par la lumière qui tapait contre la façade de la bâtisse devant lui. Mangeant son dernier cookies avec soin et les bouchées les plus petites possibles, pour ne rien gâcher, il regardait l'immeuble comme si, à force de patience, il viendrait lui dire de lui-même ce qu'il ferait de son après-midi. Mais c'était idiot : les immeubles ne parlent pas.
Remarquant qu'il avait peine à garder dans la main ce qu'il restait de cookie, il le finit et se lécha les doigts. Pause. Il avait payé le café, mais avait-il payé les cookies ? Ah, le doute. Il fronça les sourcils et chercha la serveuse des yeux. Elle était derrière le comptoir. L'italien essaya un instant de la fixer pour qu'elle lève les yeux, mais c'était peine perdue. Il soupira et regarda la table. Bon, disons qu'il les ait payés, sauf si on vient lui rappeler le contraire.

Il releva les yeux en voyant que la serveuse était venue apporter son thé à un monsieur qu'il n'avait pas vu arriver, et en profita pour lui faire signe. Le coup des cookies servait d'excuse à son esprit pour ne pas réfléchir à ce qu'il allait fait : trop de possibilités rendaient le choix impossible. Quand elle arriva, il lui fit son plus beau sourire. Je ne suis pas débile, c'est juste que voilà.

« Je.. j'ai payé déjà ou pas ? »

Elle resta coi un moment devant l'absurdité de la question, puis rit et lui dit que oui. Tant mieux alors. Il posa ses coudes sur la table et sa tête sur ses poignets et passa en revue ce qu'il pouvait faire. Et, plus il cherchait, moins il trouvait, et ça tournait presque à l'obsession.
Alors, plutôt que de chercher quelque chose, il chercha quelqu'un. Cindy ? Oui, mais non, elle dormait. Ses autres connaissances ? Elles étaient probablement toutes dans le même cas. Il soupira, puis fini par voir le garçon qu'il avait presque en face de lui. Trêve de bon sens, il lui sourit.
Voilà, parfait.

09:33 am L'attente de ma boisson fut relativement courte par comparaison avec les autres fois. Il faut que j'ai plus l'habitude de sortir en journée ou en soirée lorsqu'il y a beaucoup de monde plutôt que le matin où les rues sont désertes... La gentille serveuse m'apporta mon thé et je le payais immédiatement. Elle allait repartir quand le jeune homme en face l'appela. L'air tendu et honteux il lui demanda s'il avait payé ce qu'il avait prit. Elle rigola et j'esquissais un sourire. Charmant et candide, voilà les mots qui me vinrent tout de suite à l'esprit. Se comportant comme un enfant lâché dans un endroit inconnu, il regardait sans cesse autour de lui, sa tête. Et puis il leva les yeux et nos regards se croisèrent. Toujours en souriant, je pris ma tasse, me leva et m'assis à sa table sans qu'il m'en eut donné la permission.

« Salut! je m'appelle Eliott, tu permets que je m'asseye avec toi? »

Je le regardais toujours souriant. Il me faisait rire avec son petit air enfantin, ses cheveux en batailles lui donnant un côté "Bad Boy" et son air faussement séducteur. On voyait bien qu'il n'était pas d'ici. La peau trop bronzée et son accent lorsqu'il avait répondu à la serveuse le compromettaient.

« Tu sembles légèrement perdu... Tu veux de l'aide? Je n'ai pas grand chose à faire pour le moment... Si tu veux je peux t'enseigner ce que je sais sur Sydney... Qu'en dis-tu? »

Quand Eliott lui demanda la permission de s'asseoir, qui n'en était pas une, l'étranger se contenta d'hocher la tête en signe d'acquiescement. Il gardait le sourire, ravi d'avoir trouvé de quoi occuper ses pensées un peu plus longtemps.

« Tu sembles légèrement perdu... Tu veux de l'aide? Je n'ai pas grand chose à faire pour le moment... Si tu veux je peux t'enseigner ce que je sais sur Sydney... Qu'en dis-tu? »

Il pencha la tête un instant. Il avait vraiment l'air d'un touriste ? Question débile. Ça se voyait bien qu'il était pas d'ici. Pourtant, il y passait bien la moitié de son temps. Bien entendu, il avait l'air d'un touriste - d'un italien, en somme, mais il semblait si perdu que ça ? Il se persuada que c'était à cause du doute de péage.
Il se redressa un peu sur sa chaise pour reprendre une position plus.. normale, et répondit.

« Bah, euh, c'est gentil, mais ça fait longtemps que j'vis ici.. enfin à mi-temps, quoi ! »

Il reprit son sourire. Le genre de sourire.. qui faisait pas fuir les gens. Il l'aimait tellement, ce sourire, qu'il ne le lâchait presque plus.

« Ceci dit, si t'as quelque chose à faire à proposer, je prends ! »

09:34 am Ma question semblait avoir désarmé l'homme qui se trouvait en face de moi. Intérieurement je jubilais. J'allais pouvoir m'occuper toute la journée au dépend de ce type. Je buvais une gorgée sans le perdre d'un œil, ses réactions m'amusaient.

« Bah, euh, c'est gentil, mais ça fait longtemps que j'vis ici.. enfin à mi-temps, quoi ! »

Qui voulait-il convaincre de cela en se redressant sur sa chaise? Je n'étais pas dupe, je savais très bien que ce gars venait de temps en temps car seuls les habitués de la ville ose sortir le matin avant dix heures depuis l'attentat... Mais tout chez lui semblait indiquer qu'il n'était pas né d'ici... Toutefois, comme il accepta ma proposition, je décidais d'en profiter...

« Tout d'abord, que dirais-tu de reprendre un café ou même un thé? J'ai horreur de boire tout seul lorsque je suis accompagné. Et pas de chichi mon grand, c'est moi qui offre! »

Je faisais signe à la serveuse de lui remettre la même chose avant qu'il n'ait pus esquisser le moindre mouvement.

« Parle-moi un peu de toi maintenant... D'où viens-tu et pourquoi navigues-tu entre deux océans? Sydney n'est pas à ton goût? »

Ienzo fixa l'inconnu dans les yeux un instant. Il était étrange, mais il n'avait pas à s'en plaindre : il lui tenait compagnie, et en plus, il lui payait un autre café. L'italien n'en demandait pas tant. Et, pour le service que l'Australien lui rendait, il pouvait bien lui permettre de penser ce qu'il voulait. De toute manière, ça ne le dérangeait pas. En toute réponse, bien que superflue puisqu'il avait déjà passé commande, il haussa l'épaule et acquiesça brièvement.
« Au contraire, continua-t-il en souriant, et c'est bien pour ça que j'y viens si souvent ! »
A son tour, il l'observa un peu. Ses yeux clairs et ses cheveux blonds tentaient de la cacher, mais il était pâle. Pourtant, Sydney est une ville emplie de Soleil. Il devait sûrement avivre la nuit, comme c'était le cas pour bien des gens. Mais si c'était le cas, que faisait-il ici, à un café, à neuf heures du matin ?
Il laissa ses questions de côté, c'en était trop pour son pauvre cerveau tout juste réveillé. D'ailleurs, le second café ne lui ferait pas de mal.
« Sinon, je suis Italien. »
Tiens, en pensant à lui !
La serveuse arriva avec le café, brûlant. Elle le posa sur la table et reparti aussitôt qu'elle était venue, un vieux l'appelant un peu plus loin. Ambroise se contenta de le regarder, sans même prendre la peine de tenter de le toucher. Il s'était déjà fait avoir bien suffisamment pour retenir la leçon : ce n'était pas parce que le café n'était pas fort, ici, qu'il était moins chaud.

Il faut les dire les choses telles qu'elles sont: je m'amusait beaucoup à embarrasser ce jeune homme. Il n'avait rien demandé à personne, et pourtant il était là à me répondre tout en essayant m'esquiver... Il ne m'avait rien fait, au contraire, il me rendait plutôt service. Je n'avais pas à me soucier de ce que j'allais faire ce soir et je n'étais pas seul...

« L'Italie... C'est un pays que j'ai toujours voulu vu visiter... Mais je crois que le monde qui s'y trouve me rebute un peu. Ce n'est pas que je n'aime pas la foule, hein! Mais le jour je n'aime pas spécialement me mélanger à d'autre gens... Je suis plus quelque de nocturne. C'est pour cela que j'ai le teint pâle. Mais dis moi, où te loges-tu? J'imagine que tu n'as pas de logement sur Sydney... Tu ne m'as pas l'air d'être étudiant sur la ville donc tu ne dois pas bénéficier des logements U, tu vas à l'hôtel? »

Ces questions ne m'intéressaient pas nécessairement, mais l'Italien m'intriguais, je voulais en savoir plus sur lui... Sa silhouette ne m'étais pas inconnu, je l'avais déjà rencontré quelque part, mais impossible de savoir où... Peut-être que cela n'était pas vrai et que je fabulais complètement mais je voulais en avoir le cœur net.

Spoiler:

Spoiler:

Il posait là beaucoup de questions pour un inconnu fraîchement rencontré à un café. Ça ne dérangeait pas vraiment Ienzo, mais il trouvait ça étrange, par manque d'habitude peut-être. Il fallait dire qu'en Italie, autour du café matinal, on finissait toujours à parler avec quelqu'un, mais qu'on connaissait. Allez savoir, une sorte d'attirance pour les mêmes lieux alors que la ville est grande. Ou peut-être juste l'habitude, et le fait de ne pas se faire avoir dans les cafés pour touristes qui étaient bien plus chers.

« Non, en fait, la plupart du temps, je squatte chez Cindy. »

Oui, Cindy. Pas de "une amie", pas de "on me loge", non. Cindy. Parce que, bien entendu, tout le monde connaissait Cindy, c'était bien connu ! En réalité, habitué, l'italien avait du mal à se rendre compte que les inconnus, de par leur statut d'inconnus, ne le connaissaient pas, et ses amis encore moins. Oh, puis, de toutes manières, il comprendrait bien qu'il parle d'une amie : quoi d'autre.
Ce pensant, il porta son café à ses lèvres, machinalement, et en bu. Il était trop chaud mais au diable sa langue, pour une fois.

09:35 am Cindy... Ce nom me disait quelque chose... Se pouvait-il qu'il connaisse Cindy la chef des Dust Pirates?! Non, impossible! Je n'avais jamais vu l'italien à l'un des meeting du gang. Et pourtant... Sa présence ici n'était peut-être pas un hasard...

« Elle doit être très sympa ton amie Cindy pour t'héberger à l'œil, non? Eh dis-moi, qu'est-ce que tu fais lorsque tu es parmi nous? Tu travailles sur Sydney ou tu viens juste pour la détente? »

Ce qui m'avait au départ intrigué chez ce jeune homme se précisait petit à petit. Par pure fortune, il pouvait être lui aussi un membre des Dust Pirates et auquel cas, je devais porter assistance à son compagnon de fortune. Car telle était la règle, toujours porter assistance au sien, peu importe la situation et le danger auquel l'on s'expose alors. Je pouvais tout aussi bien me tromper complètement et dans le cas échéant, ce serait un bide complet... Mais cela m'occuperait à moitié, je décidais donc de reporter mon attention sur ma tasse.

Il hocha gentiment la tête quand l'inconnu lui demanda si elle était gentille. Encore heureux qu'elle était gentille, il n'était pas ami avec n'importe qui, allons !
Mu par on-ne-sait quelle volonté de conversation, il s'était pris au jeu de ces questions. Quelqu'un d'autre aurait pu les considérer comme indiscrètes, ou juste inutiles; pas lui. Si elles n’apportaient pas d'informations intéressantes, elles avaient au moins le mérite de tuer le temps, et c'était tout ce qu'il demandait.

« Je suis saisonnier dans une boutique, en fait. Ça et des bricoles. »
Voilà. Les Dust Pirates réduits à l'état de bricoles. Mais Ienzo ne voulait pas avoir à faire à d'éventuelles histoires de clan. Il suffisait qu'il soit du clan opposé pour que tout risque de partir en vrille, et ce serait dommage : il perdrait son passe-temps. De plus, il n'avait pas spécialement prévu d'être intime avec.. l'inconnu, alors peu lui importait son clan. L'italien ne haïssait pas les uroboros, en fait. Juste leur chef.
Par politesse - et par soucis de conversation, il lui retourna la question.

« Et toi, tu fais quoi ? »

J'étais pris par défaut. Je n'avais pas pensé qu'il retournerait la question. Toutefois je décidais de jouer la carte de l'honnêteté. Après tout, il faisait parti des Dust Pirates.

« Moi? Je suis prostitué. »

C'était comme ça. Sans prétention et sans honte. Simplement la vérité. Je n'avais pas cherché à le défier, ni même à le choquer. Je lui avais tout simplement révélé la vérité telle qu'elle était. Je n'attendais pas qu'il comprenne quelque chose à ce choix. Je m'en fichais en fait. Pour moi, c'était un métier comme un autre. C'était comme être cadre dans une société d'informatique ou avocat dans un grand cabinet... Pourtant, c'était la première fois que j'osais révéler à quelqu'un qui n'était pas de mon entourage amical mes activités. C'était bizarre. Effrayant et en même temps je sentais l'adrénaline monter en moi et électriser ma colonne vertébrale.

Le touriste tilta une seconde. Tiens, ça, c'était pas banal. Ceci dit les médias annonçaient bien que la prostitution se faisait de plus en plus courante en ce bas monde. Ça ne le répugnait pas, loin de là : c'était un job comme un autre, pas de sous métier, mais ça l'étonnait quand même. Ça courait pas les rues, spécialement ce genre de quartiers plutôt aisés, spécialement à neuf heures et demi du matin.

« Sérieux ? »
Ce qui l'étonnait le plus n'était pas vraiment le lieux ou la date peu propice, ni même la manière parfaitement naturelle du garçon de l'annoncer comme ça - c'était vrai, en dehors de leurs heures de services, les putes n'étaient pas spécialement le genre à se vanter de son métier. Tout du moins, il espérait bien que ce type n'ait pas dans l'optique de faire de l'italien un client potentiel.
Non, en fait, ce qui l'étonnait le plus, c'était qu'il soit un homme. Il n'avait jamais vraiment essayé, mais il avait du mal à imaginer une catin... avec un pénis. Sauf peut-être au Brésil, mais ce n'était qu'un amas de stéréotype qui faisait son boulot. Non parce qu'en plus, une femme qui traîne au bord des trottoirs, la nuit, en petite tenue, on faisait le rapprochement rapidement ; un homme, par contre, il aurait bien été capable de le prendre pour un auto-stoppeur.

« Mais.. ça existe chez les mecs ? »
C'était sorti tout seul ; question con bonjoour !

Je souriais face à la naïveté du jeune homme. Il n'avait pas l'air dégoûté ou effrayé, il semblait intrigué. Oui, c'était le mot... Intrigué.

« Mais.. ça existe chez les mecs ? »

« Oui ça existe chez les mecs. Il y a même deux sortes de prostitution masculine. La première consiste à satisfaire une clientèle féminine tandis que la seconde consiste à satisfaire une clientèle masculine. Moi je m'occupe d'une clientèle exclusivement masculine. Toutefois, je suis à l'antipode du cliché du gigolo. Je vis dans un quartier luxueux, dans un grand appartement et mes revenus sont plus qu'importants, sans compter les extras que les clients me laissent... Je n'ai pas à me plaindre, non. Tu sembles étonné, pourquoi? »

Cette situation m'amusait beaucoup mais en même temps, je prenais des risques. Je n'avais jamais développé autant de chose sur moi et mon métier à un inconnu. Mais peut-être me comprendrait-il avec un peu de chance...

Spoiler:

Il l'écoutait bien sagement, buvant ses paroles comme si c'était un documentaire télé, les images en moins. Quoiqu'il pouvait toujours regarder son interlocuteur, mais ça revenait à regarder un poste de radio. Est-ce insultant de considérer les gens comme des posts de radio ? De toute manière, il n'avait pas spécialement envie de voir les illustrations qu'on pouvait apporter à un reportage sur la prostitution.. gay.

A la fin de son petit exposé, l'italien vit passer quelques questions qu'il préféra réfréner. Par exemple : Mais.. y'a vraiment des gens qui paient pour ça ?, ce qui l'étonnait parce que, tout compte fait, quitte à être en manque à ce point, il suffisait d'aller en boite passé une certaine heure. Mais comment y savent les gens que tu fais que des mecs ? A partir du moment où il se balade pas avec une pancarte pour prévenir, bah.. c'était pas marqué nulle part quoi. M'enfin, ça coûte combien pour que t'en sois si riche ? Non, en fait, cette question, il se l'était toujours posé, peu au courant là dessus.
Au final, il n'avait pas grand chose de... consistant à répondre à ça. Peut-être même plus choqué par le fait qu'il soit gay - et qu'il s'assume - que par celui qu'il soit un gigolo. Il avait été élevé chez les italiens, et ces derniers n'étaient que peu ouverts à ces pratiques ; c'était pour lui assez récent comme.. phénomène.
Alors il répondit par ce qui, au final, caractérisait le mieux ce qu'il pensait actuellement.

« ... c'est fou quand même ! »

Tour à tour je voyais les émotions traverser le visage de l'italien. L'étonnement, la surprise, l'interrogation, la pudeur aussi, toutes ces émotions se glissaient sur son beau visage. Une réponse formulée maladroitement, avec pudeur et gêne.

« Qu'est-ce qui est fou? Que je gagne autant? Mon âge? Que mes clients soient riches? Qu'ils paient pour moi? Que je ne sois pas en prison? Quand on connait un peu les ficelles, on sait que cela n'a rien d'étonnant... Et puis honnêtement, je fais comme tout le monde, je bosse. Mon métier sort tout simplement de l'ordinaire. Toi aussi tu as un travail non? »

C'était étrange car il n'avais pas l'air choqué. Ah moins qu'il le fut mais il ne semblait pas le montrer. En tout cas, c'était très amusant de le voir se tortiller entre son envie irrésistible d'en savoir plus et sa pudeur qui l'empêchait de poser plus de questions ou du moins, les formuler jusqu'au bout... Et moi dans tout ça, j'étais là à l'asticoter comme un serpent, à le tirailler entre une envie et une répression. Et puis tant, pis, je n'en avais rien à faire de sa pudeur! Dans la vie il faut être audacieux, sinon on avance à rien! Je sortis une clope et l'alluma.

« Hum? »

Ienzo soupira. C'était bien idiot de se prendre ainsi la tête pour une gêne si futile. Surtout qu'au fond, il n'y avait pas de quoi être gêné, en fait. S'il se prostituait, c'était son droit. S'il était gay, aussi. Enfin, même s'il trouvait ça assez hors-du-commun, ça ne le gênait pas.

« Oui, oui.. je trouve ça inhabituel, c'est tout. »
C'était marrant ; finalement, c'était Eliott qui, des deux, posait le plus de questions. Pourtant, c'était l'inverse qui aurait du se produire, tant l'italien était piqué à vif dans sa curiosité.
C'est ce moment qu'il sembla choisir pour se rappeler qu'il n'était pas timide. Au pire, quoi, il risquait de passer pour un con ? Non, allons, il n'était pas à ça près. Puis, ce n'était pas tous les jours qu'on croisait une pute, alors autant en profiter. Pour lui poser des questions.

« Non, mais je trouve ça intéressant. Comment ils le savent, les gens, que t'es... j'veux dire, c'est pas marqué sur ta tête, quoi »

Il se réfréna. Une seule question à la fois, une seule question à la fois. S'il en faisait plus, l'autre ne pourrait répondre à tout. Fatalement.

Insouciance, quand tu nous tiens. Je souriais. À moitié amusé par ce garçon si candide. Il semblait remplit de bonté et ne semblait vouloir qu'une chose, comprendre. Eh bien, si c'est ce qu'il voulait, il comprendrait...

« Non, en effet, ce n'est pas marqué sur ma tête que je suis un escorte-boy. Je connais les endroits où mes clients aiment se rendre après leur boulot. Deux ou trois verres, une danse et c'est terminé. Je les repère assez facilement à vrai dire... Je les vois mal à l'aise, perdu dans un endroit qu'ils ne connaissent pas, à regarder le fond de leur verre. En cinq minutes je sais comment la nuit se terminera. J'ai de l'expérience mon grand, et un bon carnet d'adresse! »

C'était lâché. Comme une mère aurait dit à son enfant pourquoi deux et deux font quatre et non cinq. Un ton complaisant avec un sourire et une voix douce. Je tirai sur ma cigarette et lâchai de la fumée. Nicotine, quand tu nous tiens...

« Ah. C'était amusant, ça, tiens. J'étais persuadé que c'étaient les clients qui partaient à la recherche du prostitué. En fait c'était l'inverse ? »
Il ne prit pas la peine de s'arrêter. C'est dommage, ça aurait pu lui être utile, pour finir de penser ses paroles.

« Mais même, après si y pense que c'est quelqu'un qui le drague, comment tu lui annonce que c'est payant ? »
C'était tout bête, mais ça le tracassait. Imaginez-vous aller draguer quelqu'un, qu'il vous plaise, puis de vous rendre compte que c'est un catin ? Ça en fout quand même un sacré coup au moral. A l'égo, aussi.

« Et puis comment tu fais pour savoir s'il est gay ? C'est pas si facile à repérer ! »
Si quelqu'un devait bien être étranger à tout ça, c'était bien l'italien. Déjà, lui se posait rarement la question : ça ne l'intéressait pas, et il partait du principe que non. Mais il se doutait bien qu'il n'y avait pas que des hétéros dans ce monde, aussi avait-il du côtoyer des gays sans s'en rendre compte. Et tout ça pour revenir prouver que non, ce n'était pas marqué sur leur face.

On y était. La chose devenait intéressante... Les questions commençaient à se former dans sa tête et il osait les prononcer. Moi j'étais là, tirant sur ma clope à le regarder. Il m'amusait. Ce n'était pas méchant, non, sa naïveté me faisait sourire, c'est tout.

« Ce n'est pas nécessairement dans cet ordre que ça marche... Bien sûr que les clients vont chercher les prostitués et dans un certain sens je ne vais pas réellement vers eux. Si tu veux une comparaison c'est juste pour dire qui je suis et que je suis disponible, un peu comme lorsqu'une maîtresse fait l'appel. Je n'annonce pas que c'est payant. Ça l'est, bien évidement, mais c'est le client qui demande. Arrivé à la chambre de l'hôtel, il me dit ce qu'il veut et je lui annonce la couleur. »

Je tirai de nouveau sur ma cigarette, laissant le temps à l'italien d'assimiler toutes les informations que je venais de luis fournir.

« Les clients dont je m'occupe ne sont pas des homos. Ce sont des hétéros comme toi. Ça paraît dingue je sais mais c'est la vérité. Ils ont femmes et enfants et une petite vie rangée bien ennuyeuse. Ils essaient simplement de mettre un peu d'exotisme dans leur vie...

Je lui souris et tirai de nouveau sur ma cigarette.

[Désolée pour le temps de réponse. Les cours, toussa. Toussa comprenant probablement le fait que j'aie genre 8 RP en cours. M'enfin voilàvoilà. Oh puis c'est toupourri, désolée. Le sort s'acharne sur toi. ]

Il porta presque inconsciemment sa main à sa bouche, frottant doucement sa lèvre avec le plat de l'ongle de son pouce, tandis qu'il écoutait ses paroles. C'était un geste qu'il avait souvent tendance à faire quand il écoutait autrui, ou même quand il réfléchissait. Là, il faisait un peu des deux.
En fait, il n'avait pas à proprement parler réellement compris tout ce qu'il avait dit. Enfin, si, mais.. ça ne lui paraissait pas naturel. Après, c'était peut-être sa non-habitude qui l'empêchait de visualiser correctement la scène - probablement, d'ailleurs - mais bon.
Il buvait ses paroles, s'efforçant de commenter mentalement seulement. Des hétéros qui voulaient changer de leur train-train quotidien... ouais, il comprenait. Il trouvait ça sale, de concevoir l'idée de gens qui trompaient leur famille, désespérés par un quotidien un peu trop bien, un peu trop simple. Il trouvait ça dommage, de voir que trop de bonheur tuait le bonheur.
Il se promit de ne jamais finir comme ça et décolla légèrement son pouce de sa lèvre, de quelques millimètres à peine.

« Ouaiiis, je vois. »
Comme frappé par un éclair de lucidité, il était coupé dans ses questions. Alors, il ne put enchaîner qu'après un léger blanc, réfléchissant. Bien que la curiosité soit toujours présente, il continuait à poser des questions plus pour faire la conversation qu'autre chose.

« Mais.. comment on devient prostitué, comme ça ? »

L'italien soulevait là une question très intéressante. Après tout, comment en étais-je arrivé à devenir escorte-boy ? Distrait je regardai ma cigarette se consumer. Sans quitter le bâtonnet, je préparai une réponse dans ma tête. Les mots tournaient et retournaient sans cesse, formant quelques fois des phrases, avant que ces dernières soient aspirées par le néant des idées. Non, je n'avais pas de réponse toute faite à lui balancer. Même moi, je ne savais pas trop comment j'en étais venu à gagner ma vie avec mon corps.
« C'est compliqué... » lâchai-je enfin « Pas dans le sens où tu ne comprendrais pas, non. Dans le sens où moi-même, je ne sais pas comment j'en suis venu à faire cela... Je sais comment tout a commencé mais je suis incapable de te dire comment j'ai continué... Donc je ne peux pas répondre d'une manière précise à ta question. Il existe plusieurs moyens, et le plus courant les escortes sont sous la coupe d'une espèce de patron qui se charge de récolter l'argent après. Enfin de compte, peu d'escortes sont libres comme moi... »
La cendre commençait à s'accumuler au bout du tube blanc et orange. Je tapotai sur la cigarette, faisant tomber les restes de papier brûlé et de feuilles de tabac consumées. Je portai l'objet à ma bouche, fermai les yeux et inspirai. La nicotine emplissait ma bouche, mes poumons, mon corps. J'ouvris les yeux, regardai en l'air et souffla la fumée qui s'échappa dans une grande traînée grise vers l'azur.
« Oui, libre... »

Spoiler:

Spoiler:

Silence. Il voyait le genre. Un peu comme lui était devenu... ce voyageur qu'il était, à mi-chemin entre l'Europe et l'Océanie. Ça s'est fait, sans trop de pourquoi, sans trop de comment. Ça c'était fait, et c'était bien comme ça. Il regarda l'inconnu partir dans ses délires de liberté avec un petit sourire. Être libre, hein ? Le rêve habituel. C'était pour ça que Sidney existait, après tout.

Il cessa de regarder Eliott lorsque la cloche sonna, tournant la tête rapidement. Dix heures. Dix heures, et les rues étaient toujours aussi vide. Par habitude, le brun savait bien que ça restera comme ça jusqu'à, au moins, onze heure et demi.
Là, il... non, attendez.

Encore un peu.

Là. Voilà. Parfait. Le café avait coulé dans ses veines, ou bien l'horloge lui avait rappelé un réveil. Peut-être était-il simplement sorti de sa torpeur matinale. En tout cas, ça y était : il était réveillé. Pour de bon.
Il était réveillé, avec son envie habituelle de bouger. De faire quelque chose, en tout cas. Rien que marcher, ça lui irait. Il regarda un peu la table, et où il en était. Lui avait fini son café, et son nouveau camarade également. Parfait. En plus, tout était payé. Il s'en souvenait. On lui faisait le coup une fois, pas deux.
Il se leva, donc, et regarda Eliott en souriant.

« Tu veux venir avec moi ? »
Où ça ? Peu importe. Pour y faire quoi ? Peu importe. Pourquoi ? Comme ça. Il trouverait bien en chemin.

Il voulait que je l'accompagne. C'était bien là sa proposition. Il me regardait en souriant, comme on regarde une connaissance, un ami. Je me levai et le suivis dehors. Les rues étaient désertes, malgré l'heure avancée de la matinée. Il faisait beau, c'était tout ce qui importait. J'étais bien à marcher et à discuter avec un inconnu. Et puis il m'avait proposé de venir ; j'avais eu le choix d'accepter ou de refuser sans que cela entraîne de réelles conséquences sur moi.

« J'y pense, tu ne m'as pas dit ton prénom... »

C'était une simple constatation, sans reproche, ni demande. après tout, il était libre me le donner ou nom.

« Quelle belle journée ! Ça fait du bien d'être dans la lumière quelques fois ! Les néons finissent par être lassants... Et tu m'emmènes où comme ça ? »

Je le suivais sans faire vraiment attention où j'allais et une petite voix dans ma tête me disait qu'il fallait que je sache où je me rendais. Ce n'était pas pour éviter un danger ou pour cerner une menace, je savais pertinemment que l'Italien n'allait rien faire ; j'étais simplement curieux. Je voulais savoir où nous allions... La cigarette finissait de se consumer lentement et lorsqu'elle fut arrivée au point où le tabac devenait trop fort pour moi, je l'écrasait par terre avant de mettre le mégot dans une poubelle.

Il avait décidé de le suivre. Tant mieux ; il n'aurait pas à passer la matinée seul. Quoique, bien entendu, il aurait pu rencontrer quelqu'un d'autre, et ainsi trouver une nouvelle occupation, mais c'était tout de même un comble, puisque tout cela, il venait de le faire. Ce serait régresser dans ses occupations, en fait.

Son prénom ?
Tiens, bonne idée. Il fallait dire que discuter de prostitution avec un parfait inconnu les avait, légèrement, éloignés du modèle type d'une rencontre habituelle. Tant mieux, me direz-vous. Les rencontres habituelles sont rarement plaisantes.

« Ienzo. Et toi ? »

C'était pas tout à fait correct, ça, non ? Tu ne m'as pas dit ton prénom. - Ienzo, et toi ? A moins qu'il ne veuille lui répondre qu'en effet, il ne lui avait pas dit son prénom, ce qui était pour le moins totalement absent de pertinence, c'était pas correct. Tout du moins, grammaticalement. Ou plutôt syntaxiquement. Enfin, tant pis. Tant qu'il le comprenait.

« Quelle belle journée ! Ça fait du bien d'être dans la lumière quelques fois ! Les néons finissent par être lassants... Et tu m'emmènes où comme ça ? »

Où ils allaient ? En voilà, une bonne question. Un problème qu'il lui fallait résoudre, surtout. Là,à marcher sans but réel, il ne saurait pas vraiment dire. Alors,il chercha dans sa mémoire, pour trouver quel genre d'activité il faisait, habituellement, lorsqu'il était seul en ville. Seulement voilà, il n'était jamais seul en ville. Ou alors, lorsqu'il l'était, il se faisait de nouvelles connaissances. Comme aujourd'hui, en somme. Alors voilà. Que faire ? Où aller ? Ah, que de questions existentielles, qui n'avaient pas plus d'intérêt que de réponse. Alors autant reléguer cette fastidieuse tâche aux autres.

« Aucune idée. Tu veux aller où ? »

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